Comment les théories raciales d’un Arthur de Gobineau ou d’un Paul Broca ont-elles été discutées en Haïti et à Cuba à la fin du XIXe siècle ? Qu’en a-t-il été, plus tard, des réflexions d’un W.E.B. DuBois sur la condition « noire », des idées d’un Léo Frobenius sur « l’âme des peuples » ou du culturalisme d’un Melville J. Herskovits ? À quelles propositions originales ces débats ont-ils donné lieu et comment ont-ils dialogué avec des courants comme l’indigénisme, l’afro-cubanisme ou encore la négritude ? Quelles influences ont-ils exercé sur les constructions nationales haïtienne et cubaine ? Telles sont quelques-unes des questions que cette anthologie aborde à partir de la présentation critique et comparée de textes-clefs qui relèvent d’une période inaugurale pour l’anthropologie en Haïti et à Cuba. Elle propose pour ce faire un dialogue inédit avec Louis-Joseph Janvier, Antonio Bachiller y Morales, Anténor Firmin, Rafael Serra, Justin-Chrysostome Dorsainville, Israel Castellanos, Jean Price-Mars, Fernando Ortiz, Pablo de la Torriente Brau, Jacques Roumain, Lydia Cabrera et Odette Mennesson-Rigaud. Des années 1880 aux années 1950, au fil des événements qui affectent Haïti et Cuba, histoire de la discipline et histoire des idées politiques sont saisies dans leurs effets réciproques. À mesure que l’ouvrage revisite un pan du récit de l’émergence de ces anthropologies méconnues, il éclaire ainsi la pluralité des liens entre sciences sociales et engagement. S’efforçant d’accompagner le renouveau actuel de la discipline dans ces deux pays, il convie les lecteurs à suivre des chemins qui révèlent combien, entre universalisme et particularisme, entre réflexions sur l’identité et l’altérité, l’anthropologie n’a cessé de questionner, voire de façonner, ces sociétés.